Tessellation à 3 dimensions

Les milieux granulaires réels 2D et
3D présentent la particularité d’être difficile à analyser du point de vue des
contacts entre grains car ce dernier est souvent imprécis (un contact ponctuel
n’existe pas même d’un point de vue numérique !). Ces problèmes de
voisinages peuvent être résolus par nos programmes de tessellation de Voronoï
Depuis de nombreuses années, nous avons développé des algorithmes d’analyse de
la géométrie spatiale d’empilements de grains à deux dimensions. Nous pouvons
complètement paver l’espace par des polygones dont les côtés sont définis par
les axes radicaux séparant deux grains voisins. Ce pavage est univoque et
chaque polygone ne contient qu’un seul grain. L’ensemble des propriétés
topologiques et métriques de ces structures a été analysé à deux dimensions.
Nous avons récemment étendu cette étude à trois dimensions.

Cette réalisation
nous permet d’étudier les propriétés topologiques et métriques de milieux
granulaires « réels » ainsi que des mousses 3D. La réalisation
d’empilements homogènes à trois dimensions demande de prendre en compte un
certain nombre de considérations comme les effets stériques ou d’exclusion, les
conditions périodiques et plus généralement l’histoire de la mise en place
(individuellement ou collectivement).Nous avons étudié les plages
de compacité aisément réalisables en fonction des méthodes numériques
utilisables. Les algorithmes de Poisson, de RSA(Random Sequential Adsorption), de
Powell ou de Visscher et Bolsterli placent une sphère après l’autre de façon
permanente ; l’algorithme Jodrey et Tory ou sa modification faite par
Jullien permet une densification par réarrangement quasi-statique et collectif.
Les algorithmes SPH, PIC, MD et ED sont dynamiques et prennent en compte des
interactions collisionnelles entre les sphères. Nous pouvons ainsi balayer l’ensemble de la gamme de porosité (de 0 à 0.7405).

Dans un premier temps, nous
avons analysé les propriétés d’empilements désordonnés de sphères monotailles.
Nous avons confirmé la validation à trois dimensions des relations
d’Aboav-Weaire concernant les valeurs moyennes de faces des cellules. Afin de
connaître la limite possible de nos empilements désordonnés, nous avons analysé
les structures très légèrement perturbées des empilements cristallins
classiques (Cubique à Faces Centrées et Hexagonal Compact). Un faible désordre
(de l’ordre de 0,1%) dans la structure fait passer le nombre moyen de voisins
de 12 directement à 14

Nous avons analysé les dépendances des distributions des
nombres de faces et de voisins en fonction de la compacité de l’empilement. Pour
cela, nous avons dû générer différents types d’empilements (différentes
« histoires ») tels que RSA (C=0 à 30 %), « dense
packing » type Powell ou Visscher et Bolsterli (C=60-64 %), Dynamique
moléculaire & Event-Driven (C=0 à 60 %) ou Jullien (C=40 à 64 %).
Nous avons pu voir que cela pouvait influencer certains paramètres géométriques
tels que la valeur moyenne du nombre de faces et sa distribution. Cela présente
donc l’avantage de pouvoir servir de critères de désordre ou d’ordre
d’empilements existants (par mesure de l’écart à la solution aléatoire type
RSA). Nos modèles ont été étendus aux cas binaires puis aux cas polydispersés.
La figure 13 montre bien une différence de comportement pour des compacités
supérieures ou inférieures à 0,5 et en fonction de la configuration originale
de l’empilement. Les sphères des empilements ayant pour origine une structure
CFC ou HC ont subi une « agitation thermique » type Event-Driven. Cela
leur a conféré un caractère désordonné pour les compacités faibles car
identique aux résultats obtenus à partir des empilements type Jullien. Par
contre au-dessus de 0,5, l’ordre inhérent à la structure initiale est
partiellement conservé et modifie donc le résultat.

Figure:  Évolution du nombre
moyen de faces des cellules de Voronoï en fonction de la compacité. Les
dispositions initiales (avant réduction des rayons et agitation) des
empilements sont Cubique à Faces Centrées (CFC) Hexagonal Compact (HC) ou
désordonné (Jullien).

Nous avons ensuite cherché à
comprendre comment évoluait un empilement initialement désordonné lorsqu’il
était soumis à une agitation thermique. Pour cela nous avons analysé
l’importance d’un paramètre d’ordre (Q6) qui prend en compte
l’orientation spatiale des différents liens reliant une sphère à ses voisines
définies au sens de la cellule de Voronoï Nous avons aussi mis en évidence
l’évolution des transitions entre la phase désordonnée (C<49,5 %), une
zone de transition (49,5%< C<54,5 %) et une phase cristalline
(C>54,5 %). La séparation des différentes contributions (polyèdres à
partir d’un cristal désordonné de HC ou de CFC) nous a permis de confirmer la
présence des deux structures au cours de la cristallisation d’un empilement
initialement désordonné. Nous avons mis en évidence que la structure CFC
devient prédominante pour les fortes cristallisations ou densités.

Comme la structure dominante est le CFC, il nous a paru
judicieux d’appliquer les principes de base de la percolation afin de voir
comment évoluait cette structure au cours de la cristallisation. Ainsi nous
avons suivi l’apparition et la croissance des clusters de cellules CFC lors de
l’agitation d’un empilement initialement désordonnée de sphères monotailles
ayant une compacité supérieure à 0,545. Comme prévu, il y a apparition d’un
grand nombre de mini cellules CFC qui s’organisent afin de créer un amas de
percolation traversant toute la structure

a)                                                                                                                                                              
b)

Figure : Cristallisation d’un
empilement désordonné de sphères monotailles (a) soumises à une agitation
thermique uniforme après 109 collisions binaires (b). Les couleurs
claires représentent les sphères étant en environnement quasi-cristallin.

Il est très aisé d’étudier numériquement des empilements
tridimensionnels d’objets mais il est beaucoup plus difficile de mener à bien
des études comparables expérimentalement. Peu de techniques pratiques
permettent d’obtenir des informations expérimentales: études en surface,
mesures par tomographie, Imagerie par Résonance Magnétique, liquide iso-indice
sans être destructrices. L’approche la plus classique consiste à pratiquer des
coupes, sérielles ou aléatoires dans la structure 3D afin d’en retirer des
informations pertinentes. Nous avons donc cherché à vérifier qu’elle était la
fiabilité de certaines interprétations de mesures faites sur une coupe en
fonction de la vraie mesure tridimensionnelle. Ainsi nous avons comparé les
résultats classiques des tessellations de Voronoï 2D et 3D obtenues à partir
d’un empilement 3D coupé par un plan ou à partir d’une coupe faite dans la
tessellation 3D de la structure initiale.

Figure :  tessellations de Voronoï 2D obtenue à partir d’un empilement 3D coupé par un plan et une coupe 2D faite dans la tessellation 3D de la structure initiale.