Etude de systèmes complexes par RMN

J’ai participé à  la mise au point d’un équipement de mesures sur les écoulements
diphasiques par Résonance Magnétique Nucléaire (RMN).  La RMN, étant surtout un phénomène dépendant des
interfaces, est d’une application très prometteuse pour relier les propriétés
physiques du milieu polyphasique à ses caractéristiques géométriques. Pour
notre part, nous avons développé en parallèle plusieurs approches des milieux
polyphasiques qui permettent de faire progresser les connaissances sur les
milieux à plusieurs phases en même temps que les techniques de mesures par RMN
qui s’y appliquent. Ainsi, nous avons étudié

        
le passage d’un fluide
monophasique en écoulement dans une canalisation du régime stationnaire à un
régime turbulent (avec une zone d’interférences),

        
un fluide constitué de
deux phases en mouvement simultanément (fluide diphasique : eau et bulles
d’air, eau et huile).

        
un fluide en
écoulement (ou non) dans une deuxième phase immobile constituée par un milieu
poreux

        
un fluide en
écoulement avec des billes de verre sustentées par ce fluide (lits fluidisés).

 

a)
L’étude des caractéristiques d’un fluide monophasique en écoulement dans une
canalisation a été réalisée grâce à la mise en place d’un gradient linéaire de
champ magnétique à l’intérieur d’un spectromètre à impulsions (CXP 100 Bruker)
et avec des séquences d’impulsions du type Carr-Purcell-Meiboom-Gill. L’analyse
des échos de spin (détection synchrone et Transformé de Fourier) permet
d’obtenir la distribution de vitesse dans la canalisation, la moyenne
quadratique des fluctuations de vitesse ainsi qu’une information assez complète
sur la dispersion longitudinale et transverse d’un fluide jusqu’à des vitesses
d’écoulement de 50 cm/s et des valeurs moyennes de vitesse jusqu’à des valeurs
de 4 m/s. Des études complémentaires ont permis d’observer des intermittences
lors du passage de l’écoulement d’une configuration laminaire à une
configuration turbulente et donc d’en déduire un taux de turbulence dans la
zone de transition.

b) Une étude sur les écoulements diphasiques (eau-air) a été réalisée en
créant soit des écoulements à bulles finement dispersées, soit des écoulements
annulaires soit des écoulements type brouillard. Dans notre étude, nous nous
sommes intéressés plus particulièrement au cas de bulles d’air de tailles
variées circulant en même temps que de l’eau. Nous avons mis en évidence
l’effet des bulles, de leur taille et de leur densité sur le développement de
la turbulence observée dans le liquide. En effet, même en présence d’un liquide
s’écoulant très lentement (i.e. il serait laminaire s’il circulait en phase
unique) la présence d’une quantité infime de fines bulles d’air entraîne le
mélange vers la turbulence. Notre approche théorique du problème nous a permis
de résoudre les difficultés inhérentes à ces milieux particulièrement instables
dans le temps. Nous avons pu mesurer le taux de vide moyen du mélange eau-air
ainsi que la vitesse moyenne d’écoulement de la phase liquide. De plus la
distribution de vitesse de l’écoulement nous a fourni le moyen de caractériser
la turbulence du milieu.

c) Une
troisième étude très prometteuse a été menée sur les milieux poreux modèles
constitués d’empilements de billes de verre de plusieurs tailles frittées. Ces
matériaux ont l’avantage d’être très bien connus aussi bien expérimentalement
(porosité, perméabilité, dispersion hydrodynamique, porosimétrie au mercure)
que théoriquement (modèle de sphères dures de Bernal, ou modèles aléatoires de
Dodds). Nous pouvons corréler les études par RMN sur la taille moyenne et sur
la distribution des tailles des pores aux autres méthodes possibles (études
citées précédemment). De plus, nous pouvons en déduire la surface spécifique de
nos matériaux (rapport surface sur volume des pores) qui pourra être comparée
aux mesures d’adsorption capillaire et de stéréologie (mesure très classique).
Ainsi nous pouvons en déduire la distribution des tailles de pores dans le cas
des matériaux réels et la comparer aux autres approches possibles. Ceci a conduit au développement d’un outil
de «
 logging »
pétrolier par Schlumberger.
Une autre
étude ayant un aspect plus dynamique est liée à la présence d’un fluide en
écoulement laminaire ou turbulent à l’intérieur de ce milieu poreux et a fait
l’objet de la thèse de L. Lebon soutenue en Février 1996.

d) Nous
avons aussi utilisé les séquences d’impulsions existantes pour étudier le
comportement d’un lit fluidisé constitué de billes de verre de diamètre
variable (entre 100 et 800 µm) en mouvement dans un liquide en écoulement. Nous
avons mis en évidence une différence de comportement très notable en un
écoulement eau-air et un lit fluidisé. Le premier possède une distribution de
vitesse proche de celle d’un écoulement turbulent alors que le deuxième semble
rester laminaire. Les mesures du taux de présence de la phase liquide en
fonction de la vitesse débitante du fluide sont en très bon accord avec les
expériences faites en utilisant des
mesures d’atténuation de faisceau optique. Les mesures de vitesse locale
moyenne du fluide ainsi que leur distribution de vitesse ont été obtenues dans le
cas d’écoulements à faible nombre de Reynolds. Ces mesures couplées aux mesures
faites par ailleurs sur les fluctuations de vitesses des particules permettent
de remonter à la force d’interaction entre la phase fluide et la phase solide.
Une description satisfaisante de cette force inter-phase est un des problèmes
non résolus de la modélisation des milieux diphasiques dispersés.